Alain PARIS ou l’œil absolu
Il découvre la photo à l’adolescence et la rencontre tourne vite au
coup de foudre. Alain ne quitte plus son Zenit et les soirées au labo trainent
en longueur. Il s’initie alors à la technique autant qu’il plonge dans l’œuvre
des grands maîtres. Doisneau, Cartier-Bresson, Ronis ou Newton sont pour lui
des références… mais surtout pas des modèles.
« Un modèle est celui que l’on doit imiter et en photo, ce serait vain.
Jamais, je ne me suis comparé à eux, dit-il, car chaque photo est unique et nul
ne sait ce qu’ils auraient fait à ma place au moment de cadrer. Nul ne sait non
plus ce que j’aurais fait à la leur ! L’acte du déclenchement est quasi intime
! ».
Sa religion est faite : la photo est un art si
subtil qu’il impose l’humilité. « Tout photographe est un artisan, c’est le
public ou les médias qui décident de sacraliser tel ou tel photographe et de le
nommer artiste. Moi, en tout cas, je ne suis pas photographe, je fais seulement
de la photographie », ne cesse-t-il de dire. Jamais, du reste, il
n’envisagera de faire de sa passion un métier. Pour lui, elle n’est que plaisir
et ne peut s’exercer que librement, sans aucune contrainte. Fort de cette
conviction libertaire, Alain va promener son œil et ses boitiers en Afrique de
l’Ouest dans les années 80. Très vite, il tombe amoureux des gens, des
lumières, des odeurs et des lieux. Ce continent devient alors son terrain de
jeu préféré.
Fin de la décennie, Alain prend
ses habitudes « photografriques » dans le nord de la Casamance, à quelques
kilomètres de la frontière gambienne.
C’est alors que je l’ai connu, tandis qu’il
s’apprêtait à monter une école-photo pour apprendre la technique aux
jeunes du village de Kafountine. L’idée était d’abord de leur proposer un moyen
de subsistance : les gens venaient de tout le Nord-Casamance pour faire
exécuter photos d’identité, de mariage ou de baptême et s’épargnaient ainsi un
coûteux voyage à la ville. L’association qui gérait le labo gagna ainsi pas mal
d’argent et pût très vite financer d’autres réalisations dans le village. Elle
assura notamment l’extension du « campement villageois » et la
construction d’un marché, toutes choses qui permirent à l’époque le
développement du village de Kafountine. Mais l’objectif d’Alain était double. En
leur enseignant la photographie, il voulait aussi permettre à ses élèves
appliqués d’ouvrir les yeux, de mieux voir leur village et son environnement.
Certains se révélèrent être d’excellents photographes dont Alain pût montrer
les clichés dans plusieurs expositions en France. L’enseignement de la
photographie comme un moyen d’émancipation et de soutien au
développement ! L’idée d’Alain était belle et elle réussit car, il le
savait mieux que quiconque, en Afrique, tant de choses sont à faire mais tout
est possible ! Je l’ai accompagné à deux reprises dans cette aventure qui
fût l’une des plus marquantes de ma vie. Aujourd’hui encore, je pense que son
regard et son approche du continent noir était la plus juste et la plus
respectueuse possible.
Marqué par cette belle rencontre autour d’un boitier entre européens et
africains, en 1990, Alain se lance ensuite dans « Mirages noirs », une
collection photographique dédiée à la femme africaine qu’il
poursuivra pendant une vingtaine d’années. Exposée et remarquée à de nombreuses reprises,
elle constitue un travail unique et un singulier hommage à l’Afrique.
Alain est un artiste qui va à
l’essentiel et c’est ce qui m’a toujours étonné en lui. S’il a appris à
maitriser la technique, c’était pour mieux s’en affranchir. Après des centaines
d’heures passées au labo et des milliers de clichés pris au Leica ou au
moyen format, il s’est converti sans état d’âme au Minox dans les années 80 avant
d’adopter le numérique avec enthousiasme. Aujourd’hui, il s’attire les foudres
de quelques puristes en shootant uniquement avec un Iphone. Il ne s’en soucie
guère et il a raison, seule l’image compte ! Et pour sortir de sa zone de confort, il construit sa propre chambre photographique de rue et parcourt les cités avec son appareil photo laboratoire ambulant pour faire les portraits des passants.
Qui ne connaît pas Alain doit donc
savoir qu’il a dédié sa vie à la photo, qu’il l’a fait principalement en
Afrique et que ses photos de femmes noires hantent tout ceux qui les ont vues.
Ses « Mirages noirs » était une oeuvre majeure, inclassable, originale
et lorsqu’un artiste produit une série aussi vaste et riche, on pense
inévitablement qu’il a donné le meilleur de lui-même, qu’il ne pourra mieux
faire et qu’en somme il ne pourra nous étonner à nouveau. Le travail qu’il
expose aujourd’hui nous prouve qu’il n’en est rien, évidemment.
Que sont ces « Traces » qu’il
nous donne à voir ? Des tâches laissées au hasard sur le bitume, des
écritures ésotériques dessinées sur une vitre ou d’insolites griffures sur
l’enduit d’un mur. Elles sont les discrets indices de la présence de l’homme
dans les rues de nos villes. Travail d’un photographe qui a sorti sa longue-vue
et son microscope à la fois et ferait de l’anthropologie sans le savoir. Alain
endosse les habits du chasseur pour nous entrainer sur la piste encore chaude
de notre errance. Car, oui, il nous parle ici de l’humain sans jamais le
désigner et pointe les détails pour évoquer l’essentiel. Il est notre vigie dans la ville, collectant ces
« traces » comme les preuves de nos actes les plus secrets. Et comme
à son habitude, il nous montre ce que nous ne voyons pas. C’est là le travail
du photographe, présenter la réalité à sa manière et nous la livrer comme une
évidence artistique. Et c’est là son immense talent ! Oui, car si seul un
chasseur aguerri comme lui peut rapporter de beaux trophées, seul un artiste à
« l’œil absolu » peut collecter de tels clichés !
Régis MICHEL
grand reporter
8 avril 2015
grand reporter
8 avril 2015
Alain Paris à remporté le concours IPA 2009 (International Photo Awards) dans la catégorie People et Culture...
Biography
Alain PARIS or absolute eye
He discovered photography as a teenager and the meeting quickly turns thunderbolt. Alain has not left his Zenit and evenings at the lab lurking in length. He then learned the technique as much as he plunged into the work of the great masters. Doisneau, Cartier-Bresson, Ronis or Newton are his references ... but especially not models.
"A model is one we must imitate and picture, it would be futile. Never, I'm comparing myself to them, he said, because every picture is unique and no one knows what they would have done in my place at the time of framing. It is also not know what I would have done to them! The act of tripping is almost intimate! ".
His religion is made: if the photo is a subtle art that requires humility. "Every photographer is an artisan, the public or the media who decide to consecrate a particular photographer and the artist name. Me, in any case, I am not a photographer, I am only a photograph, "does he keep saying. Never, however, it will consider making his passion a profession. For him, it is only fun and can only be exercised freely, without constraint. With this libertarian belief, Alain will walk his eye and housings in West Africa in the 80s He soon falls in love people, lights, smells and places. This continent becomes his favorite playground. End of the decade, Alain takes his habits "photografriques" in the north of Casamance, a few kilometers from the Gambian border.
That's when I knew him, as he was about to get a photo school to learn the technique to the youth of the village of Kafountine. The idea was first to offer them a livelihood: people came from throughout northern Casamance to enforce passport photos, wedding or christening and thus spared an expensive trip to the city. The association that managed the lab and won a lot of money and could quickly fund other projects in the village. In particular, it assured the extension of the "village camp" and the construction of a market, all of which enabled the time development of the village of Kafountine. But the goal of Alain was twofold. Teaching them photography, he also wanted to enable its students applied to open their eyes to better see their village and its surroundings. Some turned out to be great photographers including Alain could show the pictures in several exhibitions in France. The teaching of photography as a means of emancipation and development support! The idea of Alain was beautiful and it succeeds because he knew better than anyone else in Africa, so many things to do but everything is possible! I accompanied him twice in this adventure that was one of the most significant of my life. Even today, I think his look and his approach to the continent was the fairest and most respectful possible.
Marked by this beautiful meeting around a case between Europe and Africa in 1990, Alain then launches into "Black Mirages", a photographic collection dedicated to African women that continue for twenty years. Exposed and noticed many times, it is a unique work and a singular tribute to Africa.
Alain is an artist who goes to the basics and that's what always amazed me in him. If he has learned to master the technique, it was the better to overcome. After hundreds of hours spent in the lab and thousands of photographs taken Leica or large format, he converted without qualms at Minox in the 80 before adopting the digital enthusiastically. Today, he incurred the wrath of some purists by shooting only with Iphone. It cares little and he is right, only the image counts! Now he shoots with a StreetBox
Who does not know Alain must know that he has dedicated his life to the photo, he did mainly in Africa and his photos of black women haunt everyone who views. His "Black Mirages" was a major work, unclassifiable, original and when an artist produces a vast and rich series, we inevitably think he gave the best of himself, he can do better and that 'In short, he may surprise us again. The work he presents today shows us that this is not, of course.
What are these "Traces" he gives us to see? Tasks left to chance on the asphalt, comic esoteric writings on a window or unusual scratches on the plaster of a wall. They are discreet clues to the presence of man in the streets of our cities. Work of a photographer who released his telescope and microscope both anthropology and would not know it. Alain endorses the clothes the hunter to train us on the still hot track our wanderings. Because, yes, it tells us about the human never describe the details and points to evoke the essential. He is our lookout in the city, collecting these "traces" as evidence of our most secret acts. And as usual, it shows us what we do not see. This is the work of the photographer, present the reality in its own way and we deliver it as an artistic evidence. And that's where his talent! Yes, because if only a seasoned fighter like him can bring beautiful trophies, only one artist to "absolute eye" may collect such pictures!
Régis MICHEL
reporter
April 8, 2015